La prévention du stress au travail…et ses dérives

Brancardiers à l'oeuvre

photo: ©2013 Simon Martel

Aérobie et activité de Pilates dans les locaux de l’entreprise, accès à quelques vélos stationnaires et à une douche pour les employés, conseils d’usage sur l’alimentation anticancer, collations saines dans les distributrices, causerie-midi sur la gestion efficace du temps, primes d’encouragement pour la cessation du tabagisme… Avec un tel programme, votre employeur se targue sans doute d’être un chef de file dans la gestion du stress et le soutien de ses employés. Et si c’était plutôt de la poudre aux yeux? Ou, à tout le moins, des efforts malhabiles, des actions mal ciblées et un investissement insuffisant pour une réelle prévention du stress au travail?

Il a été démontré que le burnout est un processus mettant en cause la personne et son environnement de travail. Selon l’Ordre des psychologues du Québec, les facteurs de risques sont liés à la fois à l’individu (40%) et à l’organisation (60%). C’est donc une responsabilité partagée. Puisque le phénomène du burnout dépasse largement le cadre individuel, il en va de la responsabilités sociale de l’établissement d’instaurer une démarche de prévention collective, complète et de longue haleine, adaptée à la réalité spécifique de chacune des équipes de travail.

L’approche préventive optimale du stress au travail repose sur une considération sincère pour les travailleurs et se réalise à travers une démarche planifiée, selon trois axes essentiels : la prévention primaire, la prévention secondaire et la prévention tertiaire.

La prévention primaire vise à réduire ou éliminer les causes du stress au travail. Ce sont les stratégies les plus efficaces et les plus immédiates puisqu’elles agissent directement à la source, au sein de l’organisation et sur les conditions d’exercice du travail. Ce type de prévention s’appuie avant tout sur une volonté de l’employeur et sur sa vision à long terme de la productivité. Par exemple, l’établissement peut s’engager envers son personnel à donner un maximum de flexibilité dans le choix des horaires, encourager l’autonomie professionnelle, valoriser les compétences, encourager la participation des employés aux décisions, clarifier les rôles et mandats de chacun, améliorer les communications à l’interne, etc.

La prévention secondaire, centrée sur l’individu, vise surtout à réduire l’impact du stress sur les travailleurs, donc à renforcer leur résistance. Il peut s’agir d’informations transmises aux employés sur la santé psychologique au travail ou d’acquisition de stratégies individuelles d’adaptation pour évacuer les tensions. S’inscrivent dans ce volet les sessions de yoga, taï-chi ou massages, les conférences sur le mieux-être et la thérapie cognitive, entre autres choses.

La prévention tertiaire consiste à accompagner les personnes en souffrance, qu’elles soient au travail, en invalidité ou de retour d’un congé prolongé en lien avec un problème de santé mentale. Encore une fois, ces interventions, bien qu’indispensables, concernent les conséquences du stress et non ses causes. On parle ici de traitement médical, de support, de réadaptation de la personne et de l’encadrement de son processus de retour au travail.

Comme le rapporte Steiler (2010), les employeurs ont généralement tendance à miser sur la prévention secondaire, orientée vers le soulagement des symptômes et la limitation des dommages. Or, on sait que ces mesures sont insuffisantes, à elles seules, et que leurs effets bénéfiques sont de courte durée. En langage clair, se dépenser et transpirer en faisant du Zumba durant la pause-repas n’aura qu’une portée positive brève et limitée s’il faut ensuite reprendre le collier dans un contexte de surcharge de travail, de contrôle excessif voire de harcèlement.

En fait, l’employeur qui privilégie seulement l’axe secondaire sans remettre en question l’organisation (comme le voudrait la prévention primaire) expose les travailleurs à de nouveaux risques. En effet, le choix de cette orientation laisse entendre qu’il appartiendrait entièrement à l’individu en situation de stress professionnel de changer et de trouver des solutions. Christophe Bagot (2012) souligne que, ce faisant, les organisations se déresponsabilisent et rajoutent, de façon perverse, désarroi, solitude et culpabilité à la souffrance déjà bien présente chez les travailleurs.

Au Canada, on estime que les problèmes de santé psychologique au travail arrivent au premier rang des causes d’incapacité au travail et il s’agit le plus souvent d’invalidité de longue durée. Cette réalité est également une préoccupation très actuelle de l’Organisation mondiale de la santé. Quand on s’intéresse un tant soit peu aux coûts exorbitants du stress chronique au travail et aux ravages du burnout, on comprend rapidement que les bénéfices de la prévention dans ses trois axes sont multiples. En fait, d’autres l’ont déclaré bien avant moi : mieux vaut prévenir que guérir!

Recommandations de lecture :

  • Steiler, Dominique. Prévenir le stress au travail : de l’évaluation à l’intervention. Paris : Éditions Retz, Coll. Efficacité professionnelle, 2010.
  • Site : www.cgsst.com/fra/recherches/cgsst.asp
    Chaire en gestion de la santé et de la sécurité au travail dans les organisations (Université Laval).

©2013 tous droits réservés Nicole Blanchard


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3 réponses à La prévention du stress au travail…et ses dérives

  1. Madeleine dit :

    Je trouve votre texte très très intéressant. J’aimerais m’abonner à votre blogue.

  2. Emmanuelle dit :

    Bien argumenté et concis. Merci!

  3. Philippe dit :

    Je crois que je vais en remettre une copie à mon chef de programme…
    Très intéressant! Merci!

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