Les vacances : l’autre versant du travail

Parents et amis se détendent dans la cour par une belle journée d'été!

photo: ©2014 Simon Martel

Pourquoi avons-nous tellement hâte aux vacances? Tout simplement, parce que nous travaillons! Cette évidence démontre que le travail s’inscrit dans un rythme binaire dans lequel semaine et week-end sont interreliés tout comme le sont le travail et la détente. D’ailleurs, l’un des principaux défis qui s’impose aux retraités est certainement l’adaptation à une nouvelle mesure du temps vécu comme extensible et indéfini.

Les vacances représentent donc une rupture nécessaire qui favorise un détachement psychologique en permettant de se trouver physiquement hors du milieu de travail pour plusieurs journées consécutives. Ce repos légal, qui permet périodiquement d’échapper aux obligations, contraintes et souffrances du travail, constitue un acquis social d’une importance majeure. Peut-être nous arrive-t-il de l’oublier, pris dans la course effrénée aux passeports, aux forfaits économiques et aux bagages?

Guillaume Le Blanc (2008) affirme que le travail, parce qu’il nous détourne toujours un peu de nous-mêmes, comporte le risque de nous faire passer à côté de notre vie. Les vacances offrent justement à chacun l’occasion de renouer avec l’instant présent, de se retrouver, de réhabiter son corps, d’accueillir les possibles en s’accordant du temps de qualité seul, en couple, en famille, entre amis. Cet espace de repos, de récupération, de bien-être et d’ouverture aux rencontres, sollicite la pensée créative face aux soucis du quotidien et nous conduit tout naturellement à réviser nos priorités.

Mais attention! S’il devient de plus en plus fréquent de miser sur les vacances pour refaire le plein d’énergie et décompresser d’une fatigue physique et mentale envahissantes, il demeure risqué de confondre les vacances avec les congés pour maladie. En effet, plusieurs travailleurs surmenés attendent les vacances annuelles comme l’ultime recours, une délivrance même. Ceux-là auront la déception de voir leurs symptômes s’intensifier durant ces congés, qu’il s’agisse de fatigue, de migraines, de rhumes persistants, d’infections, de maux de dos, etc. Dans certains cas, l’employeur suggérera même à un employé visiblement au bout du rouleau de prendre de « petites vacances » pour se requinquer. C’est ignorer que maladie et vacances n’ont rien en commun et que le repos, à lui seul, ne suffit pas à endiguer l’épuisement professionnel. Des vacances, écoulées dans un tel contexte, seront suivies d’un retour au travail dans la lassitude. L’employé réalisera rapidement que l’insatisfaction, la perte de sens et le sentiment d’être écrasé sous la pression ne se dissipent pas par enchantement en changeant d’air et de décor. Les vacances auront permis une distanciation avec la source des maux mais la souffrance pleinement ressentie fera émerger un fort besoin de mettre de l’ordre et de la cohérence dans ses pensées et ses actions. Une période d’invalidité suivra sinon du présentéisme au travail (sujet d’un prochain article).

Par ailleurs, outre ces vacances in extremis qui révèlent un épuisement déjà manifeste, il y a aussi une tendance sociale aux vacances qui épuisent. Didier Lauru (2004) évoque l’impératif social actuel de réussir ses vacances à tout prix, d’obéir aux devoirs de plaisir et de dépenses sans rien se refuser. Nous observons un phénomène de mode à rechercher des vacances dans la performance, remplies d’expériences extravagantes (destinations exotiques, activités sportives extrêmes ou voyages culturels, sous un beau soleil, s’il-vous-plaît!) afin d’avoir quelque chose de palpitant à raconter à ses collègues. Il y a, dans certains milieux, une surenchère à exposer un emploi du temps de vacances saturé, à prouver son bonheur à travers photos multiples et super bronzage. Dans ce contexte, Didier Lauru (2004) rappelle que le choix de ne rien faire pourrait bien constituer l’ultime liberté. Se permettre une douce insouciance qui dépayse et délasse paisiblement.

« La vie doit être rêvée avant d’être parcourue », écrivait Pierre Sansot (1998). Place aux rêves, aux désirs qui émergent, au vagabondage, à la manifestation libre de nos besoins et à l’expression de soi. À ceux qui prévoient « prendre » des vacances ou « partir » en vacances prochainement, L ‘Essence du travail vous souhaite avant tout d’« être » en vacances et ce, le plus souvent possible.

Recommandations de lecture :

  • Féret-Fleury, C. et Trudel, J.-L. À bas les vacances! Éd. Les 400 coups, Montréal, 2011.
  • Lauru, D. [et al.]. Tout est psy en vacances? Éd. Albin Michel, Paris, 2004.
  • Le Blanc, G. Gagner sa vie, est-ce la perdre? Éd. Gallimard Jeunesse, Coll. Chouette! Penser, Paris, 2008.

©2014 tous droits réservés Nicole Blanchard


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Une réponse à Les vacances : l’autre versant du travail

  1. Lucie dit :

    Vraiment pertinent ton article sur les vacances. Moi, j’arrive de vacances et je m’aperçois qu’elles sont de plus en plus nécessaires pour faire le vide du travail et le plein face à ce qui compte le plus. J’ai la chance de pouvoir prendre un mois complet de vacances et je suggèrerais à ceux qui ont la même chance de ne pas hésiter à le faire. Ça m’a fait un bien immense. On a vraiment le temps de décrocher et de regarder ce qu’on a mis de côté par manque de temps. Je sais que certaines personnes se privent intentionnellement de leurs vacances par peur de se retrouver avec eux-mêmes mais, à mon avis, c’est nécessaire de le faire malgré tout, même au risque de passer quelques jours à pleurer (se vider de nos toxines). Merci encore Nicole.

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